PRODUCTION LAITIÈRE ARGENTINE EN PANNE Buenos Aires donne un coup de pouce à ses petits producteurs
Les 9 000 producteurs argentins livrant moins de 2 900 l/j ont bénéficié pendant trois mois d'une aide de 30 €/1 000 l. L'impact de ce coup de pouce serait néanmoins minime sur une production en berne.
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C'est sourire aux lèvres que le 3 mars, une délégation de producteurs de lait est sortie du ministère de l'Économie argentin. Au terme d'une réunion avec le ministre, ils venaient d'obtenir une aide de 30 €/1 000 l pour au moins trois mois, de mars à mai. Objectif : compenser le bas niveau des prix payés par les industriels et redonner du souffle aux producteurs dans un contexte de concentration de la production préoccupant. Ciblée sur les élevages produisant moins de 2 900 l/j, cette aide instaure une segmentation au bénéfice des petites exploitations. Si elle représente une victoire pour la Fédération agraire argentine (FAA), elle fait grincer des dents les autres syndicats dont les membres en sont exclus.
Éviter à certains de mettre la clef sous la porte
Gustavo Tettamanti, qui produit 1 500 l/j avec 65 holsteins sur 180 ha de luzerne, dans la province de Santa Fe, qualifie cette aide de « bouée de sauvetage qui évitera que certains mettent la clef sous la porte et qui freinera l'exode rural ».
Mais les problèmes structurels de la filière que sont la mauvaise répartition de la rente à l'avantage des GMS et les restrictions à l'exportation demeurent. « Les industriels nous paient 320 €/1 000 l alors que notre coût de production moyen tourne autour de 350 €. Avec cette aide, au moins ne perdrons-nous pas d'argent ! », se console-t-il. Pour la toucher, les éleveurs doivent signer une déclaration sur l'honneur et être inscrits à un système de paiement unipersonnel (un exploitant gérant deux ateliers recevra l'aide en fonction de sa production globale) piloté par le fisc. Ils sont quelque 9 000 à être éligibles, soit 80 % des producteurs qui pèsent moins de la moitié de la collecte nationale. Depuis dix ans, cette dernière stagne autour de 11 Mt par an, dont un bon quart est exporté, surtout en poudre grasse, au Brésil, au Venezuela, en Algérie et en Russie.
Un observatoire de prix pour empêcher les dérives
Les causes de cette stagnation sont à chercher dans les restrictions à l'export et le comportement des industriels qui feraient peu profiter les éleveurs des hausses de prix du marché mondial. D'ailleurs, un observatoire des prix a été mis en place par l'État pour s'assurer qu'ils n'utiliseront pas ce coup de pouce pour moins les payer. Selon l'expert José Quintana, cette subvention aux « petits » est la deuxième du genre après une première expérience, en 2011, aux résultats douteux : « Cela incite à vendre au noir, à des fromagers fournissant le marché intérieur, les volumes au-delà des 2 900 l/j pour ne pas être exclu du système ». Or, les moyens de contrôle de l'État seraient limités. Le ministère de l'Économie argentin n'a toujours pas révélé le nombre d'éleveurs ayant sollicité la subvention, ni le montant de l'enveloppe allouée et l'éventualité de sa reconduction. Un silence qui peut s'expliquer par le fait que l'Argentine, membre du groupe de Cairns (organisation des pays en développement exportateurs de produits agricoles), s'est engagée auprès de l'OMC à ne pas subventionner directement ses agriculteurs.
MARC HENRY
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